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."La nuit suivante, ilCHAPITRE XX 192La Chartreuse de Parmecommuniqua au comte toute sa conversation avec le prince.Le comte faisait en secret la cour à la duchesse; il est bien vrai qu'il ne la voyait toujours chez elle qu'une oudeux fois par mois, mais presque toutes les semaines, et quand il savait faire naître les occasions de parler deFabrice, la duchesse, accompagnée de Chékina, venait, dans la soirée avancée, passer quelques instants dansle jardin du comte.Elle savait tromper même son cocher, qui lui était dévoué et qui la croyait en visite dansune maison voisine.On peut penser si le comte, ayant reçu la terrible confidence du fiscal, fit aussitôt à la duchesse le signalconvenu.Quoique l'on fût au milieu de la nuit, elle le fit prier par la Chékina de passer à l'instant chez elle.Lecomte, ravi comme un amoureux de cette apparence d'intimité, hésitait cependant à tout dire à la duchesse, ilcraignait de la voir devenir folle de douleur.Après avoir cherché des demi-mots pour mitiger l'annonce fatale, il finit cependant par lui tout dire; il n'étaitpas en son pouvoir de garder un secret qu'elle lui demandait.Depuis neuf mois le malheur extrême avait euune grande influence sur cette âme ardente, il l'avait fortifiée, et la duchesse ne s'emporta point en sanglots ouen plaintes.Le lendemain soir elle fit faire à Fabrice le signal du grand péril.Le feu a pris au château.Il répondit fort bien:Mes livres sont-ils brûlés?La même nuit elle eut le bonheur de lui faire parvenir une lettre dans une balle de plomb.Ce fut huit joursaprès qu'eut lieu le mariage de la soeur du marquis Crescenzi, où la duchesse commit une énorme imprudencedont nous rendrons compte en son lieu.CHAPITRE XXIA l'époque de ses malheurs il y avait déjà près d'une année que la duchesse avait fait une rencontre singulière:un jour qu'elle avait la luna comme on dit dans le pays, elle était allée à l'improviste, sur le soir, à son châteaude Sacca, situé au-delà de Colorno, sur la colline qui domine le Pô.Elle se plaisait à embellir cette terre; elleaimait la vaste forêt qui couronne la colline et touche au château, elle s'occupait à y faire tracer des sentiersdans des directions pittoresques.Vous vous ferez enlever par les brigands, belle duchesse, lui disait un jour le prince; il est impossible qu'uneforêt où l'on sait que vous vous promenez, reste déserte.Le prince jetait un regard sur le comte dont il prétendait émoustiller la jalousie.Je n'ai pas de craintes, Altesse Sérénissime répondit la duchesse d'un air ingénu, quand je me promène dansmes bois; je me rassure par cette pensée; je n'ai fait de mal à personne, qui pourrait me haïr?Ce propos fut trouvé hardi, il rappelait les injures proférées par les libéraux du pays, gens fort insolents.CHAPITRE XXI 193La Chartreuse de ParmeLe jour de la promenade dont nous parlons, le propos du prince revint à l'esprit de la duchesse, en remarquantun homme fort mal vêtu qui la suivait de loin à travers le bois.A un détour imprévu que fit la duchesse encontinuant sa promenade, cet inconnu se trouva tellement près d'elle qu'elle eut peur.Dans le premiermouvement elle appela son garde-chasse qu'elle avait laissé à mille pas de là, dans le parterre de fleurs toutprès du château.L'inconnu eut le temps de s'approcher d'elle et se jeta à ses pieds.Il était jeune, fort belhomme, mais horriblement mal mis; ses habits avaient des déchirures d'un pied de long, mais ses yeuxrespiraient le feu d'une âme ardente.Je suis condamné à mort, je suis le médecin Ferrante Palla, je meurs de faim ainsi que mes cinq enfants.La duchesse avait remarqué qu'il était horriblement maigre; mais ses yeux étaient tellement beaux et remplisd'une exaltation si tendre, qu'ils lui ôtèrent l'idée du crime."Pallagi, pensa-t-elle, aurait bien dû donner de telsyeux au Saint Jean dans le Désert qu'il vient de placer à la cathédrale."L'idée de saint Jean lui était suggéréepar l'incroyable maigreur de Ferrante.La duchesse lui donna trois sequins qu'elle avait dans sa bourse,s'excusant de lui offrir si peu sur ce qu'elle venait de payer un compte à son jardinier.Ferrante la remerciaavec effusion.Hélas, lui dit-il, autrefois j'habitais les villes, je voyais des femmes élégantes; depuis qu'en remplissant mesdevoirs de citoyen je me suis fait condamner à mort, je vis dans les bois, et je vous suivais, non pour vousdemander l'aumône ou vous voler, mais comme un sauvage fasciné par une angélique beauté.Il y a silongtemps que je n'ai vu deux belles mains blanches!Levez-vous donc, lui dit la duchesse, car il était resté à genoux.Permettez que je reste ainsi, lui dit Ferrante; cette position me prouve que je ne suis pas occupéactuellement à voler, et elle me tranquillise; car vous saurez que je vole pour vivre depuis que l'on m'empêched'exercer ma profession.Mais dans ce moment-ci je ne suis qu'un simple mortel qui adore la sublime beauté.La duchesse comprit qu'il était un peu fou, mais elle n'eut point peur; elle voyait dans les veux de cet hommequ'il avait une âme ardente et bonne, et d'ailleurs elle ne haïssait pas les physionomies extraordinaires.Je suis donc médecin, et je faisais la cour à la femme de l'apothicaire Sarasine de Parme; il nous a surpris etl'a chassée, ainsi que trois enfants qu'il soupçonnait avec raison être de moi et non de lui.J'en ai eu deuxdepuis.La mère et les cinq enfants vivent dans la dernière misère, au fond d'une sorte de cabane construite demes mains à une lieue d'ici, dans le bois.Car je dois me préserver des gendarmes, et la pauvre femme ne veutpas se séparer de moi.Je fus condamné à mort; et fort justement: je conspirais.J'exècre le prince, qui est untyran.Je ne pris pas la fuite faute d'argent.Mes malheurs sont bien plus grands, et j'aurais dû mille fois metuer; je n'aime plus la malheureuse femme qui m'a donné ces cinq enfants et s'est perdue pour moi: j'en aimeune autre.Mais si je me tue, les cinq enfants et la mère mourront littéralement de faim.Cet homme avait l'accent de la sincérité
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