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.Lorsque Coco était en train de manger, personne, homme ou cheval, ne se risquait assez près pour se faire mordre ou recevoir une ruade.Derrière nous, il y avait une paire de chevaux plus petits : des poneys bruns à crinière et queue couleur de lin.Personne n’arrivait à les distinguer ; même les soldats ne les appelaient pas par leur nom mais les désignaient seulement comme « les deux Haflinger blonds ».Comme ils étaient très jolis et d’une gentillesse inaltérable, les canonniers leur accordaient pas mal d’attention et même une certaine affection.Ils devaient être un spectacle incongru mais réconfortant pour les soldats fatigués, lorsque nous traversions au trot les villages en ruine pour monter au front.Sans aucun doute, ils travaillaient aussi dur que nous tous et, malgré leur taille minuscule, ils nous valaient largement en résistance ; toutefois, au petit galop, ils faisaient frein, nous ralentissaient et rompaient le rythme de l’attelage.Assez curieusement, ce fut ce gigantesque Heinie qui manifesta les premiers signes de faiblesse.Au cours de cet hiver abominable, la boue glacée qui cédait sous les pas et le manque de bon fourrage se mirent à consumer sa massive carcasse et le réduisirent en quelques mois à n’être plus qu’une misérable créature efflanquée.Aussi, à mon grand plaisir, je dois l’avouer, on me fit passer dans la paire de tête, en compagnie de Topthorn ; Heinie rétrogradant maintenant pour tirer à côté du petit Coco qui, lui, avait amorcé cette épreuve avec peu de forces en réserve.Ils dépérirent rapidement l’un et l’autre, jusqu’au jour où ils ne furent plus bons qu’à tirer en terrain plat et ferme.Comme nous ne rencontrions pratiquement jamais ce genre de terrain, bientôt ils ne servirent plus à grand-chose dans l’attelage et rendirent la tâche beaucoup plus ardue à tous les autres.C’était toutes les nuits que nous passions dans les lignes, enfonçant jusqu’aux paturons dans la boue gelée.Conditions bien pires que celles de ce premier hiver de guerre où Topthorn et moi étions chevaux de cavalerie.À l’époque, chaque cheval avait son cavalier qui faisait tout son possible pour s’occuper de lui et le réconforter, mais aujourd’hui, la priorité des priorités, c’était le canon ; nous, nous passions bien loin après.Nous n’étions que des bêtes de somme et traités comme telles.Les canonniers eux-mêmes avaient le visage gris d’épuisement et de faim.Tout ce qui comptait pour eux, à présent, c’était de survivre.Seul le brave vieux canonnier que j’avais remarqué le premier jour où on nous avait enlevés de la ferme semblait trouver le temps de rester auprès de nous.Il nous nourrissait de morceaux rassis d’un pain noir qui s’émiettait, et passait plus de temps avec nous qu’avec ses camarades de régiment qu’il semblait éviter le plus possible.C’était un petit bonhomme malpropre et corpulent qui riait constamment tout seul et se parlait davantage à lui-même qu’à qui que ce soit d’autre.Les effets de notre vie perpétuellement exposée au froid, aux intempéries, à la sous-alimentation, au travail pénible, étaient à présent tangibles chez nous tous.Peu d’entre nous avaient encore du poil qui poussait sur la partie inférieure des jambes et, par en dessous, la peau n’était que plaies ouvertes.Même les Haflinger, ces petits durs, commencèrent à perdre leur forme.Comme tous les autres, chaque pas que je faisais me causait une douleur atroce, particulièrement dans mes jambes de devant qui se crevassaient sérieusement à partir des genoux.Il n’y avait pas un cheval de tout l’attelage qui ne marchât en boitant.Les vétérinaires nous soignaient de leur mieux, et même les plus indifférents des canonniers parurent perturbés à mesure que notre état empirait.Mais personne n’y pouvait rien tant que la boue n’aurait pas disparu.Les vétérinaires du régiment hochaient la tête de désespoir et retiraient du service les chevaux dont on pouvait se passer pour qu’ils se reposent et récupèrent ; mais certains étaient en si piteux état qu’on les emmenait pour les abattre sur-le-champ après la visite du vétérinaire.Tel fut le sort de Heinie un beau matin.Nous passâmes devant lui : il gisait dans la boue, épave affalée du cheval qu’il avait été ; il en fut de même pour Coco, atteint au cou par les shrapnels et qu’il fallut achever à l’endroit même où il gisait, sur le bord de la route.J’avais beau l’avoir détesté – il était vicieux, cet animal –, c’était un spectacle pitoyable et terrible de voir un de mes semblables, avec qui j’avais tiré le canon si longtemps, abandonné et oublié ainsi dans un fossé.Les petits Haflinger demeurèrent avec nous tout au fil de l’hiver, bandant de toutes leurs forces leur large dos et tirant les traits avec le maximum d’énergie qu’ils pouvaient réunir.Ils étaient doux et gentils tous les deux et n’avaient pas deux sous d’agressivité dans leur âme courageuse.Topthorn et moi, nous finîmes par les aimer tendrement.Vint leur tour de faire appel à nous, à notre soutien, à notre amitié : nous leur accordâmes l’un et l’autre bien volontiers.Je notai pour la première fois que Topthorn déclinait lorsque le canon se fit plus lourd à tirer qu’auparavant.Nous étions en train de passer le gué d’un petit cours d’eau : les roues du canon s’enlisèrent dans la boue [ Pobierz całość w formacie PDF ]

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