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.Je l’ai vu enfin ce Roi, que l’on m’avait peint si faible ; je l’ai vu, et son aspect m’a touché le cœur malgré moi ; certes, il est bien malheureux, mais il ne peut être cruel, il entendrait la vérité…– Oui, mais il n’oserait la faire triompher, répondit le sage de Thou.Garantissez-vous de cette chaleur de cœur qui vous entraîne souvent par des mouvements subits et bien dangereux.N’attaquez pas un colosse tel que Richelieu sans l’avoir mesuré.– Vous voilà comme mon gouverneur, l’abbé Quillet ; mon cher et prudent ami, vous ne me connaissez ni l’un ni l’autre ; vous ne savez pas combien je suis las de moi-même, et jusqu’où j’ai jeté mes regards.Il me faut monter ou mourir.– Quoi ! déjà ambitieux ! s’écria de Thou avec une extrême surprise.Son ami inclina la tête sur ses mains en abandonnant les rênes de son cheval, et ne répondit pas.– Quoi ! cette égoïste passion de l’âge mûr s’est emparée de vous, à vingt ans, Henry ! L’ambition est la plus triste des espérances.– Et cependant elle me possède à présent tout entier, car je ne vis que par elle, tout mon cœur en est pénétré.– Ah ! Cinq-Mars, je ne vous reconnais plus ! que vous étiez différent autrefois ! Je ne vous le cache pas, vous me semblez bien déchu : dans ces promenades de notre enfance, où la vie et surtout la mort de Socrate faisaient couler de nos yeux des larmes d’admiration et d’envie ; lorsque, nous élevant jusqu’à l’idéal de la plus haute vertu, nous désirions pour nous dans l’avenir ces malheurs illustres, ces infortunes sublimes qui font les grands hommes ; quand nous composions pour nous des occasions imaginaires de sacrifices et de dévouement ; si la voix d’un homme eût prononcé entre nous deux, tout à coup, le mot seul d’ambition, nous aurions cru toucher un serpent…De Thou parlait avec la chaleur de l’enthousiasme et du reproche.Cinq-Mars continuait à marcher sans rien répondre, et la tête dans ses mains ; après un instant de silence, il les ôta et laissa voir des yeux pleins de généreuses larmes ; il serra fortement la main de son ami et lui dit avec un accent pénétrant :– Monsieur de Thou, vous m’avez rappelé les plus belles pensées de ma première jeunesse ; croyez que je ne suis pas déchu, mais un secret espoir me dévore que je ne puis confier même à vous : je méprise autant que vous l’ambition qui paraîtra me posséder ; la terre entière le croira, mais que m’importe la terre ? Pour vous, noble ami, promettez-moi que vous ne cesserez pas de m’estimer, quelque chose que vous me voyiez faire.Je jure par le ciel que mes pensées sont pures comme lui.– Eh bien, dit de Thou, je jure par lui que je vous en crois aveuglément ; vous me rendez la vie !Ils se serraient encore la main avec effusion de cœur, lorsqu’ils s’aperçurent qu’ils étaient arrivés presque devant la tente du Roi.Le jour était entièrement tombé, mais on aurait pu croire qu’un jour plus doux se levait, car la lune sortait de la mer dans toute sa splendeur ; le ciel transparent du Midi ne se chargeait d’aucun nuage, et semblait un voile d’un bleu pâle semé de paillettes argentées : l’air encore enflammé n’était agité que par le rare passage de quelques brises de la Méditerranée, et tous les bruits avaient cessé sur la terre.L’armée fatiguée reposait sous les tentes dont les feux marquaient la ligne, et la ville assiégée semblait accablée du même sommeil ; on ne voyait, sur ses remparts, que le bout des armes des sentinelles qui brillaient aux clartés de la lune, ou le feu errant des rondes de nuit ; on n’entendait que quelques cris sombres et prolongés de ces gardes qui s’avertissaient de ne pas dormir.C’était seulement autour du Roi que tout veillait, mais à une assez grande distance de lui.Ce prince avait fait éloigner toute sa suite ; il se promenait seul devant sa tente, et, s’arrêtant quelquefois à contempler la beauté du ciel, il paraissait plongé dans une mélancolique méditation.Personne n’osait l’interrompre, et ce qui restait de seigneurs dans le quartier royal s’était approché du Cardinal, qui, à vingt pas du Roi, était assis sur un petit tertre de gazon façonné en banc par les soldats ; là, il essuyait son front pâle ; fatigué des soucis du jour et du poids inaccoutumé d’une armure, il congédiait par quelques mots précipités, mais toujours attentifs et polis, ceux qui venaient le saluer en se retirant ; il n’avait déjà plus près de lui que Joseph, qui causait avec Laubardemont.Le Cardinal regardait du côté du Roi si, avant de rentrer, ce prince ne lui parlerait pas, lorsque le bruit des chevaux de Cinq-Mars se fit entendre ; les gardes du Cardinal le questionnèrent et le laissèrent s’avancer, sans suite, et seulement avec de Thou.– Vous êtes arrivé trop tard, jeune homme, pour parler au Roi, dit d’une voix aigre le Cardinal-Duc ; on ne fait pas attendre Sa Majesté.Les deux amis allaient se retirer, lorsque la voix même de Louis XIII se fit entendre.Ce prince était en ce moment dans une de ces fausses positions qui firent le malheur de sa vie entière [ Pobierz całość w formacie PDF ]

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